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APEL - STAN

Intelligence artificielle et éducation – janvier 2024

Michel Desmurget est docteur en sciences cognitives et expert en neurophysiologie. Il est l’auteur des livres « La fabrique du crétin digital » (2019) et « Faites-les lire » (2023).

Introduction – Les vecteurs de connaissances

Depuis 100 ans, chaque invention a été promue comme un vecteur certain d’amélioration de la culture et d’apprentissages éducatifs par les enfants : la radio puis la télévision « l’école s’invite à la maison à travers le poste. ». Les statistiques sur les résultats démontrent que c’est faux.

Le numérique (IA, internet) donne accès à une quantité incroyable d’informations, de qualité inégales. Le numérique développe la confiance, l’autonomie et la créativité.

Les investissements très importants (en milliards d’euros) faits par les autorités en charge de l’éducation (ministères, écoles, …) sont faits sans recherche réelle d’efficience. Certes, ils familiarisent les élèves avec les outils numériques, qu’ils ont souvent chez eux. A l’inverse, ils détournent les enfants des vrais apprentissages avec un impact sur les notes et le niveau général constaté dans les sondages et classements internationaux dont PISA. Il y a un décalage entre la pédagogie souhaitée par les parents et l’efficacité recherchée par le Ministère et les écoles.

Chat GPT et autres super moteurs de recherche

A partir du moment où Chat GPT est capable de produire une dissertation de qualité assez bonne en moins d’une minute, il est imaginé que Chat GPT pense. Or, pas du tout. C’est un algorithme statistique qui agrège / fait la synthèse / recopie des réponses déjà émises à des questions proches. Attention : suivant la façon dont la question sera posée, la réponse sera différente même si le sujet est identique. La synthèse faite l’est souvent depuis les sites les plus consultés : ex : « le traité de Versailles » : la réponse de chat GPT va faire un medley entre wikipedia et la première réponse via google en rephrasant légèrement et en enlevant quelques passages jugés moins pertinents.

  • l’IA fonctionne mieux quand les sources sont fiables.
  • les IA sont des intelligences commerciales et privées.
  • aider les enfants à savoir chercher

L’IA et internet sont utiles pour naviguer, chercher des connaissances (plus ou moins fiables), se divertir. Il exige des savoirs antérieurs pour construire de nouveaux savoirs. Le savoir est cumulatif, il faut déjà avoir des mots et du langage pour comprendre et penser. Il suffit d’ailleurs de changer 3% des mots d’un texte pour ne plus le comprendre.

De l’importance de la lecture de livres

Entre un enfant qui lit et un qui ne lit pas et qui consulte beaucoup d’écrans, l’écart à 3 ans est de 500 mots et à 9 ans de 5 000 mots. Les savoirs se nourrissent les uns des autres.

La pensée passe pour l’essentiel par l’écrit là où le corpus oral est pour l’essentiel du domaine de la discussion. Les mots rares (employés moins de 1 fois tous les 10 000 mots) se trouvent dans les livres. Un mot un peu rare se retrouvera à l’oral 1 fois sur 2 millions de mots contre 1 fois tous les 100 000 mots à l’écrit.

Le moindre livre, même pour enfant, est supérieur à toute discussion orale. Tous les contenus ne se valent pas.

En lisant 1 million de mots (ex : tous les Harry Potter), un enfant apprend 1 000 mots. C’est très inférieur dans des mangas ou des BDs car il n’y a pas assez de volume de mots. Il ne faut pas arrêter de lire des BDs mais savoir que c’est à titre récréatif. L’apprentissage des mots se fait dans les livres.

La nécessité d’avoir une culture générale / des informations d’arrière-plan

Difficulté : pour lire un livre de qualité ou un article d’un journal, il faut avoir du contenu, des connaissances, des informations d’arrière-plan car l’intérêt viendra, au-delà de ce qui est dit, de ce qui n’est pas dit et qu’on saura par ailleurs. Un gros lecteur est un lecteur qui lit plus de 20 minutes par jour. Lire accroît nos connaissances générales.

  • L’émergence de l’IA rend encore plus nécessaire la construction d’une solide culture générale.

Des enfants en condition d’apprendre

Le niveau actuel est catastrophique avec, à tout âge, une incapacité parfois de la majorité d’une classe d’âge, à comprendre un texte, à trouver l’information donnée. Par manque de culture. Par défaut de concentration.

Le plus important, au-delà du meilleur professeur et des meilleurs outils est d’avoir un élève en capacité d’apprendre (concept anglo saxon de « school readiness »). Avoir bien dormi, faire du sport, avoir une bonne alimentation, avoir envie d’apprendre, étudier dans des bonnes conditions, avec du langage, un socle de culture et une concentration.

En conclusion : que faire ?

Le risque majeur de l’IA serait qu’elle soit utilisée pour penser et réfléchir à notre place.

  • Donner à nos enfants les éléments de culture générale, les informations d’arrière-plan pour comprendre ce qui est dit, ce qui n’est pas dit et réfléchir.
  • Les aider à construire un esprit critique.
  • Leur apprendre le doute car l’intelligence vient du doute
  • Utiliser l’IA avec eux. Leur apprendre à chercher (éducation par les parents ? par les enseignants ?) puis à trier les informations avec synthèse.

Il y a un vrai risque d’uniformisation des données et des savoirs si chacun passe par l’IA – les mêmes idées avec les mêmes mots dans un langage plus pauvre.

  • Rôle important des parents en complément de celui du corps enseignant.

Stanislas est un établissement privé catholique associé à l’Etat par contrat, fondé en 1804 par l’abbé Claude Liautard dans le quartier Notre-Dame-des-Champs à Paris.
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